
[de l'incidence éditeur] propose des ouvrages consacrés au cinéma, aux arts plastiques, à la philosophie et à la littérature.
Les textes novateurs sont privilégiés, selon une attention particulière accordée aux réflexions sur les expériences esthétiques et politiques.
Des utopies classiques et modernes à des tentatives cinématographiques, en passant quelques figures des XXe et XXIe siècles,
[de l'incidence éditeur] mise sur la multiplicité des disciplines afin de favoriser leurs rencontres (pas toujours calculées).
de l'incidence éditeur -
Cherbourg-en-Cotentin (50)
est une maison d'édition indépendante
dirigée par Sabrina Bonamy & Robert Bonamy
nouveautés //////
Le Camion n’aurait peut-être jamais existé sans le revirement qui a conduit Marguerite Duras à en abandonner la forme initiale. Alors qu’elle projette de mettre en scène à l’intérieur d’un camion son conducteur et une dame d’un certain âge, la cinéaste s’en remet à un choix dont l’audace impressionne encore aujourd’hui. Le film ne sera pas tourné, mais lu à voix haute par elle-même et son acteur, le camion ne sera pas le décor d’une incarnation en bonne et due forme des personnages, mais le vecteur d’un transport à travers le désert d’une banlieue parisienne.
Mieux qu’aucun autre de ses films, Le Camion accomplit le désir que Duras n’a cessé de nourrir à l’endroit du cinéma : évincer les principes dont ses formes majoritaires ont imposé l’usage (personnages, acteurs, jeu, décor…) pour s’en remettre à la simplicité d’un dispositif propre à laisser agir la puissance de la parole.
Pari à haut risque, qui lui offre aussi l’occasion de sonder le tragique de l’Histoire dont elle fut à la fois l’actrice et le témoin. Entre l’adversité du dehors dont le camion offre la vision et les paroles de la dame, entre la nudité de l’hiver et le constat réitéré de l’intolérable, le film donne à éprouver, avec une mélancolie bouleversante, l’extinction du monde dont le communisme aura été « l’horizon indépassable ».
Au moins depuis Le Partage du sensible (2000), la philosophie de Jacques Rancière s’est imposée comme indispensable à l’étude des arts, parce qu’elle dessine un geste d’émancipation alliant toujours indissociablement esthétique et politique, et le dessine comme un lien fait de conflits et de rapports de pouvoir. Comment rendre compte d’une telle rencontre, entre une pensée singulière et une foule d’œuvres, qui plus est relevant de médiums artistiques divers ?
L’enjeu de ce livre est d’examiner ce que les différents arts (cinéma, arts plastiques, littérature, photographie, théâtre, danse) font à la pensée de Rancière, comment ils l’inspirent et réciproquement comment ils s’en inspirent ou la déplacent – la trahissent parfois. Il propose un montage d’entretiens avec des artistes, de textes universitaires et d’images capables de faire vivre la relation ainsi établie entre théorie et pratique.
Là où Rancière théorise une « méthode de l’égalité » qui structure toute sa philosophie, nous faisons l’hypothèse qu’il existe de multiples « esthétiques de l’égalité », qui pratiquent, sciemment ou non, certaines de ses intuitions, sans pour autant renoncer à la part de liberté inscrite au fronton de toute production artistique.
Textes et Entretiens : Philippe Bazin, Sibil Çekmen, Sylvain George, Bérénice Hamidi, Raphaël Jaudon, Dario Marchiori, Julie Noirot, Claudia Palazzolo, Laurie Rousseville, Julian Radlmaier, Esther Shalev-Gerz, Christiane Vollaire, Fırat Yücel, Marie-Jeanne Zenetti
Partant d’une expérience esthétique particulière, à savoir l’étrange sensation face à certains portraits peints d’être regardé sans l’être (un œil adressé au spectateur, l’autre pas), l’auteure propose ici d’envisager le motif de la divergence oculaire comme un objet théorique en soi, susceptible d’établir une contre-histoire des œuvres d’art depuis l’instauration du portrait autonome au XVème siècle en Europe.
Au-delà de la singularité de ces tableaux minutieusement étudiés, qui échappent en effet aux conventions traditionnelles des regards adressés ou absorbés des figures peintes, il s’agit d’établir en quoi le strabisme du portrait est en réalité celui de la représentation toute entière, faisant vaciller au moment même de l’établissement du système perspectif son unité supposée, au profit d’une modernité qui trouvera son accomplissement quelques siècles plus tard.
Pourquoi enregistrer avec un appareil doté d'une caméra une manifestation contre un régime autoritaire, et pourquoi le faire parfois au péril de sa vie ? Que deviennent les images et les sons de ces luttes une fois qu'ils circulent sur des plateformes en ligne, quand ils ne sont pas supprimés par les gouvernants qui y voient un danger contre l'arbitraire de leur pouvoir ? Que peut le cinéma face à ce matériau visuel et sonore ne lui appartenant pas, qui à la fois lui résiste et l'inspire, s'il souhaite constituer une archive filmée des révoltes de notre présent ?
Les vidéos réalisées par les protagonistes des soulèvements arabes de l'année 2011 forment le point de départ et composent la matière première de ce livre. Elles portent témoignage d'une histoire contemporaine tourmentée, mais elles engagent aussi bien, de manière dynamique, un avenir de ces soulèvements, quelles que soient les actions contre-révolutionnaires des États ou les stratégies de propagande audiovisuelle qui viennent recouvrir leurs puissances de contestation. Il ne s'agit pas seulement d'en appeler à une nouvelle résistance qui trouverait dans les images animées un vecteur privilégié pour représenter un peuple en colère. Il s'agit aussi de considérer comment celles-ci persévèrent dans le temps et contribuent à une insistance des luttes dont l'une des qualités est précisément de survenir là où on ne les attend pas.
Cette seconde édition s’accompagne d’une préface du critique américain Jim Hoberman. Elle présente également un avant-propos inédit qui revient sur cette notion d’insistance au regard des images d’une actualité brûlante – de l’Ukraine à la Palestine en passant par le Soudan –, où le désir de liberté se heurte à des forces qui lui sont de plus en plus hostiles.